La possibilité d'un PPT

Vous pouvez vous moquer de la publicité mais sachez qu'avant de devenir cette chose que vous honnissez, un mec comme moi a glissé dans un PPT une phrase de l'un de vos auteurs préférés.

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Par Emmanuel Quéré
16 avr. · 3 mn à lire
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Planneur Romantique #30

La possibilité d'un PPT : Steinbeck, John. A l'est d'Eden - Les gestes de la vie. Imitez-les, comme au théâtre. Et, au bout d’un temps, d’un très long temps, le mensonge deviendra réalité.

C’est quoi l’idée ?

Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.

Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.

Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.

Moquez-vous de la publicité si vous voulez, mais sachez qu'avant de devenir un truc que vous honnissez, un mec comme moi a glissé dans un PPT une phrase de l'un de vos auteurs préférés.”


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

-”J’ai été mannequin “mains” pour Citroën et Darty”
-”J’ai gagné le Cross du Figaro en 2017”
-”A 28 ans j’étais le plus jeune père du Xe”


2 propositions sont vraies, une est fausse, laquelle ?
Ainsi débutent souvent les “Workshops” pro, jusqu’à présent personne n’a jamais répondu correctement, je n’étais pas le père le plus jeune du Xe.
J’ai été mannequin mains pour ces deux marques et j’ai gagné le Cross du Figaro en 2017.
Si j’ai brillé en course à pied, ce fut longtemps au détriment d’une paternité venue un peu tôt, pensais-je, j’avais tant à accomplir.

Karl Ove Knausgaard fait la distinction entre un homme qui arrive et un homme arrivé.
Le premier a toujours besoin de briller, de prouver qu’il est le meilleur, intranquille et bouillonnant il ne sait ni où ni qui il est, ne pense qu’à lui et à ses quêtes existentielles sans cesse se renouvelées ; celui-là ne peut être qu’un homme avec des enfants, pas un père.
Le second n’a rien à prouver, il sait où il est, il a accepté les limites de son existence et s’en satisfait.
L’homme arrivé, peut être un père.

A l’est d’Eden c’est le récit en 4 parties d’une famille américaine sur 4 générations.
Le film est l’adaptation de la 4e.

Deux livres m’ont sauvé la vie. Le Comte de Monte-Cristo et celui-ci, en particulier la 3e partie.
Dumas et Steinbeck font partie des rares qui ont compris à la vie et ont écrit leurs bibles à eux.
Si vous ne deviez lire que deux livres, je conseillerais ceux-là.

Dans la 3e partie, un homme ambitieux et amoureux d’une femme ambitieuse mais pas amoureuse, se retrouve abandonné par elle, lesté de deux fils, Caleb et Aaron (Abdel & Cain) deux jumeaux, qu’il ne voulait pas. Il plonge dans une dépression sévère et reste 2 ans bloqué au lit. Son majordome (et percepteur) chinois de ses fils et lui se donnera comme mission de l’en sortir. La méthode est géniale, son groupe de lettrés chinois et lui retraduisent la bible from scratch depuis l’hébreu et en livrent une version moins punitive que performative. Une version inouïe capable de faire sortir le dépressif de son lit. Cette version peut se résumer par le mot Timshel, précédement traduit par “tu dois” il devient “tu peux”.
Comme le dit Gide quelque part, on ne devient heureux que quand on comprend qu’on ne doit pas l’être mais simplement qu’on peut l’être.

C’est un livre important.

Idées remarquables et autres considérations.


Il s’imposait des tâches au-dessus de ses forces pour y brûler ses désirs étouffants.

Tom se blessait aux tranchants du monde et pansait ses blessures.
Soudain, il comprit que la joie et la peine sortent du même creuset. Le courage et la peur aussi ne sont qu’une même chose.
Le groupe n’invente jamais rien. Le bien le plus précieux est le cerveau isolé de l’homme.
Voici ce que je crois : l’esprit libre et curieux de l’homme est ce qui a le plus de prix au monde. Et voici pour quoi je me battrai : la liberté pour l’esprit de prendre quelque direction qui lui plaise. Et voici contre quoi je me battrai : toute idée, religion ou gouvernement qui limite ou détruit la notion d’individualité.
Adam avait étudié un très joli dépliant en couleurs qui présentait la Vallée comme la région que le paradis avait vainement tenté d’imiter.

L’esprit de l’homme ne peut se contenter de vivre avec son temps comme le fait son corps.
Aussi dur et stérile fût-il, on était à l’aise dans le présent car c’était le seuil d’un futur fantastique.
Il n’y avait plus de limites, le futur était immense. Un temps viendrait où l’homme n’aurait plus assez de place en lui-même pour engranger tant de bonheur.

. On dit que sans le whisky pour adoucir leur monde, ils se tueraient. Et s’ils plaisantent, c’est parce que c’est ce que l’on attend d’eux. »
Il est difficile de couper un homme en son milieu et de ne se servir toujours que de la même moitié.
Je ne comprends pas pourquoi l’état de serviteur a mauvaise réputation. C’est le refuge du philosophe, la nourriture du paresseux, et, si elle est bien comprise, c’est une position de pouvoir et même d’amour.

Il se disait que, même battu, il pouvait dérober un semblant de victoire en riant de la défaite.
Les gestes de la vie. Imitez-les, comme au théâtre. Et, au bout d’un temps, d’un très long temps, le mensonge deviendra réalité.

Il est agréable pour l’homme médiocre de savoir que la grandeur est sans doute l’état le plus solitaire du monde.
« Il arrive qu’un homme prenne plaisir à être stupide, si cela lui permet de faire une chose que son intelligence lui interdirait.”

Peut-être a-t-il laissé une parcelle de lui-même en nous, dit Lee. C’est peut-être cela l’immortalité.
”Essayez de ne pas avoir besoin de moi. C’est l’appât le plus attirant pour un homme solitaire. »
Il est toujours facile de trouver des raisons vertueuses et logiques pour ne pas faire ce qui ennuie.

« Il faut bien que quelqu’un torde le cou du destin. Si de temps à autre, quelqu’un ne lui faisait pas un pied de nez, l’humanité vivrait encore dans les branches des arbres. »
On dit qu’une franche blessure se cicatrise mieux. Je trouve qu’il n’y a rien de plus triste qu’une amitié qui ne tient plus que par la colle des timbres-poste. Quand on ne peut plus voir, entendre, ou toucher un homme, il vaut mieux rompre les amarres. »


Et, comme il arrive en général aux hommes d’une idée, elle devint une obsession.


Mr. Rolf. Aron apprit les choses de ce monde de la bouche d’un jeune homme qui n’avait aucune expérience, et qui ne s’exprimait que par des généralités, comme tous les gens sans expérience.
Elle savait que ces choses étaient nécessaires mais dénuées d’importance.


Certaines personnes restent “soi” toute leur vie... désespérément “soi”.


— J’ai repensé au jour où Sam Hamilton et vous avez eu une longue discussion au sujet d’un mot.
Quel était-il ?
— Je comprends maintenant. Le mot était Timshel.
— Timshel ! Vous avez dit...
— J’ai dit que ce mot grandissait l’homme qui savait le comprendre.
— Je me rappelle que Sam Hamilton en avait été heureux.
— Le mot l’avait libéré, dit Lee. Il lui avait donné le droit d’être un homme avec un destin distinct de celui des autres hommes.
— C’est un destin solitaire. — Comme tout ce qui a une valeur. — Rappelez-moi ce mot.
— Timshel.