La possibilité d'un PPT

Vous pouvez vous moquer de la publicité mais sachez qu'avant de devenir cette chose que vous honnissez, un mec comme moi a glissé dans un PPT une phrase de l'un de vos auteurs préférés.

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Par Emmanuel Quéré
6 mai · 4 mn à lire
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Planneur Romantique #33

La possibilité d'un PPT : André Gide et Emmanuel Macron, édition pont & conspiration : Les nourritures terrestres

C’est quoi l’idée ?

Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.

Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.

Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais ici chaque lundi.


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

Peu de gens me liront en ce 6 mai.
J’ai été tenté de faire un papier sur “Le camp des saints” (lu récemment après tout le bordel autour du Sylvain Tesson poète) mais s’il y a beaucoup à en dire il n’y a presque rien pour garnir vos présentations PPT, enfin ça dépend lesquelles.
Finalement, j’ai décidé d’être plus consensuel et d’essayer gentiment de faire naître une théorie complotiste. Ou plutôt de mettre en lumière un mystère qui je l’espère me rapportera des abonnés payants.

Pour sa photo officielle en 2017, Emmanuel Macron avait choisi 3 livres.
 Mémoires de guerre du général de Gaulle à sa droite, Le Rouge et le Noir de Stendhal et Les Nourritures terrestres de Gide, empilés à sa gauche.
De Gaulle le patriote & Stendhal l’individualiste ambitieux, l’amorce du “en même temps” et de la startup nation, choix cohérent assurant un
buzz convenable.

Quant au choix de Gide, personne n’avait grand chose à en dire.
J’ai pris Les Nourritures Terrestres sur Kindle dans la foulée (1,99€), l’ai oublié et m’en suis rappelé un soir de désoeuvrement pendant le confinement. Wikipédia dit que c’est une oeuvre littéraire “d’une sensualité absolue qui cherche à s'affranchir du moralisme étriqué de l'époque victorienne, du conformisme et des conventions sociales.”.

Ecrit en 1895, n’importe qui le lit aujourd’hui ne peut y voir qu’une ode - acte courageux à l’époque - à l’acceptation de son homosexualité. Manifestement sa femme ne l’a pas lu puisque c’est en 1916 qu’elle découvre à travers une lettre de son jeune, très très jeune, amant, ses préférences.
Globalement, toute son oeuvre tourne autour de sa pédérastie. Ce que Frédéric Mittérrand, mollement pleuré, appelait la mauvaise vie, Gide, Wilde, Matzneff et cette ordure de
Montherlant l’appelaient eux “la tentation de vivre”.
Ça fait mieux que pédophilie ; ces mecs savaient écrire, on ne le leur enlèvera pas ça.

Certes, en 2017, Matzneff n’avait pas encore été déchu (je vous invite à écouter le sidérant Affaires Sensibles sur le sujet) c’est un livre d’apprentissage superbement écrit, référencé et pour paraphraser un commentaire sur Céline « On peut être emporté par le littérateur et consterné par la bassesse du bonhomme » mais pourquoi tenter le diable et vouloir se lier, pour l’éternité, à ce que représente Gide ?

Idées remarquables et phrases choisies


– Dieu, disait Ménalque : c'est ce qui est devant nous.
- Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée.

Chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir.
Agir sans juger si l'action est bonne ou mauvaise. Aimer sans s'inquiéter si c'est le bien ou le mal.
Le présent serait plein de tous les avenirs, si le passé n'y projetait déjà une histoire.
Nathanaël, que chaque attente, en toi, ne soit même pas un désir, mais simplement une disposition à l'accueil. Attends tout ce qui vient à toi ; mais ne désire que ce qui vient à toi. Ne désire que ce que tu as. Comprends qu'à chaque instant du jour tu peux posséder Dieu dans sa totalité.
Regarde le soir comme si le jour y devait mourir ; et le matin comme si toute chose y naissait. Que ta vision soit à chaque instant nouvelle. Le sage est celui qui s'étonne de tout.

Toute ta fatigue de tête vient, ô Nathanaël, de la diversité de tes biens.
Toute connaissance que n'a pas précédée une sensation m'est inutile.
Si ce que tu manges ne te grise pas, c'est que tu n'avais pas assez faim.
Chaque action parfaite s'accompagne de volupté. A cela tu connais que tu devais la faire. Je n'aime point ceux qui se font un mérite d'avoir péniblement œuvré. Car si c'était pénible, ils auraient mieux fait de faire autre chose. La joie que l'on y trouve est signe de l'appropriation du travail et la sincérité de mon plaisir, Nathanaël, m'est le plus important des guides.
Ne désire jamais, Nathanaël, regoûter les eaux du passé. Nathanaël, ne cherche pas, dans l'avenir, à retrouver jamais le passé. Saisis de chaque instant la nouveauté irressemblable et ne prépare pas tes joies, ou sache qu'en son lieu préparé te surprendra une joie autre.
Car c'est un grand souci que de penser. Je me suis fatigué, quand j'étais jeune, à suivre au loin les suites de mes actes et je n'étais sûr de ne plus pécher qu'à force de ne plus agir.
le souvenir d'une joie n'est pas une nouvelle approche du bonheur.

Mon âme ! ne t'attache à aucune pensée. Jette chaque pensée au vent du large qui te l'enlève ; tu ne la porteras jamais toi-même jusqu'aux cieux.
Et je sais que les biens de la terre s'épuisent (encore qu'ils soient inépuisablement remplaçables)
"Je préfère me dire que ce qui n'est pas, c'est ce qui ne pouvait pas être. »

Et ce que je cherchais sur les routes, ce n'était pas d'abord tant une auberge que ma faim.
L'ivresse n'est jamais qu'une substitution du bonheur.
Je sais que, certains jours d'enfance, lorsque j'étais encore parfois triste, dans les landes de la Bretagne, ma tristesse parfois s'est soudain échappée de moi, tant elle se sentait comprise et reçue en le paysage – et qu'ainsi, devant moi, je la pouvais délicieusement regarder.
Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres.

Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur ; oui, du jour où je me persuadai que je n'avais besoin de rien pour être heureux.
Sache que la fleur la plus belle est aussi la plus tôt fanée.
La peur de trébucher cramponne notre esprit à la rampe de la logique. Il y a la logique et il y a ce qui échappe à la logique. (L'illogisme m'irrite, mais l'excès de logique m'exténue.) Il y a ceux qui raisonnent et il y a ceux qui laissent les autres avoir raison. (Mon cœur, si ma raison lui donne tort de battre, c'est à lui que je donne raison.) Il y a ceux qui se passent de vivre et ceux qui se passent d'avoir raison. C'est au défaut de la logique que je prends conscience de moi.
l'individu ne s'affirme jamais plus que lorsqu'il s'oublie. Qui songe à soi s'empêche.

Il m'a depuis longtemps paru que la joie était plus rare, plus difficile et plus belle que la tristesse. Et quand j'eus fait cette découverte, la plus importante sans doute qui se puisse faire durant cette vie, la joie devint pour moi non seulement (ce qu'elle était) un besoin naturel – mais bien encore une obligation morale. Il me parut que le meilleur et plus sûr moyen de répandre autour de soi le bonheur était d'en donner soi-même l'image, et je résolus d'être heureux.
Je me passai fort bien de certitude dès lors que j'acquis celle-ci, que l'esprit de l'homme ne peut en avoir.
Connais-toi toi-même. Maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à « bien se connaître » ne deviendrait jamais papillon.
Comme si la réalité de demain ne devait pas être faite de l'utopie d'hier et d'aujourd'hui
Du jour où tu commenceras à comprendre que le responsable de presque tous les maux de la vie, ce n'est pas Dieu, ce sont les hommes, tu ne prendras plus ton parti de ces maux. Ne sacrifie pas aux idoles.