Planneur Romantique #62

La possibilité d'un PPT : Proust, Marcel. A l'ombre des jeunes filles en fleurs - Partie 3.

La possibilité d'un PPT
5 min ⋅ 09/12/2024

C’est quoi l’idée ?

Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.

Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.

Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.


Père ManQ, raconte-nous une histoire.
Suite de “La recherche du temps perdu” & suite et fin du tome 2, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, avec la 3e partie. Plus que 5 livres et tous les untold human truths seront à vous.
Par ailleurs, je viens de transformer La Possibilité d’un PPT en un établissement scolaire.
N’hésitez pas à mentionner sur LinkedIn que vous suivez ce cursus diplômant.

Je l’ai déjà dit la semaine dernière, dans le très bon Equalizer l’agent McCall, s’étant mis en tête de lire les “100 plus grand livres de tous les temps”, lit Proust entre deux gunfights ; Marcel aurait-il fait l’effort de regarder les 100 meilleurs films de Denzel Washington ?




J’ai aussi découvert récemment dans Le Monde l’existence d’un rappeur Proustien. Wallace Cleaver.
Lui s’impose de relire “La Recherche” tous les 10 ans. C’est sympathique mais je le trouve plus “rappeur Nicolas Mathieu” période Leurs enfants après eux pour son côté petit blanc “duper” de la France périphérique.

Mais c’est sûrement dans Duane est dépressif de Larry McMurty que Proust joue son plus grand rôle.
Le héros, Duane donc, soigne sa dépression en appliquant à sa vie passée la célèbre petite phrase proustienne “Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”
En revanche, lui met bien 10 piges à tout lire.

Citations et idées remarquables.

C’est que dans l’état d’esprit où l’on «observe», on est très au-dessous du niveau où l’on se trouve quand on crée.

J’avais déjà bu beaucoup de porto, et si je demandais à en prendre encore, c’était moins en vue du bien-être que les verres nouveaux m’apporteraient que par l’effet du bien-être produit par les verres précédents.

C’est que, pas plus que ce n’est le désir de devenir célèbre, mais l’habitude d’être laborieux qui nous permet de produire une œuvre, ce n’est l’allégresse du moment présent, mais les sages réflexions du passé, qui nous aident à préserver le futur.

l’ivresse réalise pour quelques heures l’idéalisme subjectif, le phénoménisme pur; tout n’est plus qu’apparences et n’existe plus qu’en fonction de notre sublime nous-même.

Quand les heures de notre vie se déroulent ainsi que des plans trop différents, on se trouve donner trop de soi pour des personnes diverses qui le lendemain vous semblent sans intérêt. Mais on se sent responsable de ce qu’on leur a dit la veille et on veut y faire honneur.

Mais faute d’une société supportable, il vivait dans un isolement, avec une sauvagerie que les gens du monde appelaient de la pose et de la mauvaise éducation, les pouvoirs publics un mauvais esprit, ses voisins, de la folie, sa famille de l’égoïsme et de l’orgueil.

C’était à elles que ma pensée s’était agréablement suspendue quand je croyais penser à autre chose ou à rien. Mais quand, même ne le sachant pas, je pensais à elles, plus inconsciemment encore, elles, c’était pour moi les ondulations montueuses et bleues de la mer, le profil d’un défilé devant la mer. C’était la mer que j’espérais retrouver, si j’allais dans quelque ville où elles seraient. L’amour le plus exclusif pour une personne est toujours l’amour d’autre chose.

il faut pourtant reconnaître que dans la mesure où l’art met en lumière certaines lois, une fois qu’une industrie les a vulgarisées, l’art antérieur perd rétrospectivement un peu de son originalité.

L’effort qu’Elstir faisait pour se dépouiller en présence de la réalité de toutes les notions de son intelligence était d’autant plus admirable que cet homme qui, avant de peindre, se faisait ignorant, oubliait tout par probité, car ce qu’on sait n’est pas à soi,

Ceux qui croient leurs oeuvres durables — et c’était le cas pour Elstir — prennent l’habitude de les situer dans une époque où eux-mêmes ne seront plus que poussière.

Si un peu de rêve est dangereux, ce qui en guérit, ce n’est pas moins de rêve, mais plus de rêve, mais tout le rêve.

Cette Albertine-là n’était guère qu’une silhouette, tout ce qui était superposé était de mon cru, tant dans l’amour les apports qui viennent de nous l’emportent — à ne se placer même qu’au point de vue quantité — sur ceux qui nous viennent de l’être aimé.

On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses.

l’existence n’a guère d’intérêt que dans les journées où la poussière des réalités est mêlée de sable magique, où quelque vulgaire incident de la vie devient un ressort romanesque.

Pendant qu’au moment où va se réaliser un voyage désiré, l’intelligence et la sensibilité commencent à se demander s’il vaut vraiment la peine d’être entrepris, la volonté qui sait que ces maîtres oisifs recommenceraient immédiatement à trouver merveilleux ce voyage, si celui-ci ne pouvait avoir lieu, la volonté les laisse disserter devant la gare, multiplier les hésitations; mais elle s’occupe de prendre les billets et de nous mettre en wagon pour l’heure du départ.

Ce qu’on prend en présence de l’être aimé, n’est qu’un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l’entrée est «condamnée» tant qu’on voit du monde.

Car il ne pouvait jamais «rester sans rien faire» quoiqu’il ne fît d’ailleurs jamais rien. Et comme l’inactivité complète finit par avoir les mêmes effets que le travail exagéré, aussi bien dans le domaine moral que dans la vie du corps et des muscles, la constante nullité intellectuelle qui habitait sous le front songeur d’Octave avait fini par lui donner, malgré son air calme, d’inefficaces démangeaisons de penser qui la nuit l’empêchaient de dormir, comme il aurait pu arriver à un métaphysicien surmené.

«Elle est mise très simplement, en effet, mais elle s’habille à ravir et pour arriver à ce que vous trouvez de la simplicité, elle dépense un argent fou.»

Il y a moins de force dans une innovation artificielle que dans une répétition destinée à suggérer une vérité neuve.

C’est qu’avec les sandwichs au chester et à la salade, nourriture ignorante et nouvelle, je n’avais rien à dire. Mais les gâteaux étaient instruits, les tartes étaient bavardes.

Nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien faire que répéter indéfiniment le vide d’une minute, tandis que la marche de la pensée dans le travail solitaire de la création artistique, se fait dans le sens de la profondeur, la seule direction qui ne nous soit pas fermée, où nous puissions progresser, avec plus de peine il est vrai, pour un résultat de vérité.

Les traits de notre visage ne sont guère que des gestes devenus, par l’habitude, définitifs. La nature, comme la catastrophe de Pompeï, comme une métamorphose de nymphe, nous a immobilisés dans le mouvement accoutumé. De même nos intonations contiennent notre philosophie de la vie, ce que la personne se dit à tout moment sur les choses.

L’individu baigne dans quelque chose de plus général que lui.

Nous ne nous en souvenions plus déjà tant ce qu’on appelle se rappeler un être c’est en réalité l’oublier.

Plaisant plus qu’elle ne voulait et n’ayant pas besoin de claironner ses succès, Albertine garda le silence sur la scène qu’elle avait eue avec moi auprès de son lit, et qu’une laide aurait voulu faire connaître à l’univers.

Et c’est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l’existence, qu’approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystérieuses, pour nous rendre compte qu’elles sont sans mystère et sans beauté; c’est une des hygiènes entre lesquelles on peut opter, une hygiène qui n’est peut-être pas très recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n’était pas grand-chose — pour nous résigner à la mort.

La possibilité d'un PPT

La possibilité d'un PPT

Par Emmanuel Quéré