Planneur Romantique #77

La possibilité d'un PPT : Flaubert, Gustave. Madame Bovary

La possibilité d'un PPT
4 min ⋅ 22/04/2025


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

Je me souviens d’un plansboard créatif lors d’un appel d’offre pour gérer la communication d’une marque de surgelés, Marie.

Ce créatif exerce aujourd’hui le métier d’hypnothérapeute.

Je me souviens plus récemment d’une interview de Macron dans un podcast (un truc de start up que j’abhorre) déclarant que s’il pouvait offrir un livre à tous les français ce serait Bovary. Le podcasteur, un type un peu niais, qu’en Bretagne on qualifierait de « brave » et que Flaubert appellerait « monsieur Bovary », lui répondit, les larmes aux yeux « Que j’ai lu tardivement, j’ai adoré ». (Vers la fin de la séquence en lien)

Pas si facile d’accès que ce madame Bovary (celui qui dit « de Bovary » est un plouc) c’est un livre très technique sur la forme.

Sur le fond, c’est l’histoire d’une femme qui s’ennuie et dont la vie est dictée par une forme de bipolarité, c’est un livre sur la médiocrité humaine provinciale mais c’est surtout le premier roman sur la sur consommation et le surendettement.
Jean Rochefort dit d’elle qu’elle serait aujourd’hui cliente chez Cofidis, Cetelem et consort. 

Je vous invite à regarder la pastille de Jean Rochefort (le bolloss des belles lettres) pour le fond et à écouter ce podcast, Madame Bovary au scalpel, pour la forme.

Comme annoncé, pour cause de bras cassé (je lis deux fois plus mais j’écris comme mon Ami Emmanuel Carrere d’un seul doigt) je passe en mode bimensuel pour quelques temps.

Peace


Citations et idées remarquables.

Il l’excusait intérieurement, trouvant qu’elle avait trop d’esprit pour la culture, métier maudit du ciel, puisqu’on n’y voyait jamais de millionnaire.

Il se sentit triste comme une maison démeublée

Avant qu’elle se mariât, elle avait cru avoir de l’amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n’étant pas venu, il fallait qu’elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres.

Elle n’aimait la mer qu’à cause de ses tempêtes, et la verdure seulement lorsqu’elle était clairsemée parmi les ruines. Il fallait qu’elle pût retirer des choses une sorte de profit personnel ; et elle rejetait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas à la consommation immédiate de son cœur, – étant de tempérament plus sentimentale qu’artiste, cherchant des émotions et non des paysages.

Elle ne pouvait s’imaginer à présent que ce calme où elle vivait fût le bonheur qu’elle avait rêvé.

Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part.

La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie.

Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l’ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l’ombre à tous les coins de son cœur.

Lorsqu’elle avait bien rudoyé sa servante, elle lui faisait des cadeaux ou l’envoyait se promener chez les voisines, de même qu’elle jetait parfois aux pauvres toutes les pièces blanches de sa bourse, quoiqu’elle ne fût guère tendre cependant, ni facilement accessible à l’émotion d’autrui, comme la plupart des gens issus de campagnards, qui gardent toujours à l’âme quelque chose de la callosité des mains paternelles.

C’est ainsi, l’un près de l’autre, pendant que Charles et le pharmacien devisaient, qu’ils entrèrent dans une de ces vagues conversations où le hasard des phrases vous ramène toujours au centre fixe d’une sympathie

Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empêchée continuellement. Inerte et flexible à la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dépendances de la loi. Sa volonté, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite à tous les vents ; il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient.

alors ils se parlaient à voix basse, et la conversation qu’ils avaient leur semblait plus douce, parce qu’elle n’était pas entendue.

Quant à Emma, elle ne s’interrogea point pour savoir si elle l’aimait. L’amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, – ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l’abîme le cœur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttières sont bouchées, et elle fût ainsi demeurée en sa sécurité, lorsqu’elle découvrit subitement une lézarde dans le mur.

Elle s’estimait à présent beaucoup plus malheureuse : car elle avait l’expérience du chagrin, avec la certitude qu’il ne finirait pas.

ils parlèrent de la médiocrité provinciale, des existences qu’elle étouffait, des illusions qui s’y perdaient.

la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.

L’aplomb dépend des milieux où il se pose : on ne parle pas à l’entresol comme au quatrième étage, et la femme riche semble avoir autour d’elle, pour garder sa vertu, tous ses billets de banque, comme une cuirasse, dans la doublure de son corset.

D’ailleurs, la parole est un laminoir qui allonge toujours les sentiments.

Mais le dénigrement de ceux que nous aimons toujours nous en détache quelque peu. Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure en reste aux mains.

N’importe ! elle n’était pas heureuse, ne l’avait jamais été. D’où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait ?…

tout bourgeois, dans l’échauffement de sa jeunesse, ne fût-ce qu’un jour, une minute, s’est cru capable d’immenses passions, de hautes entreprises. Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes ; chaque notaire porte en soi les débris d’un poète.

Je suis à plaindre, mais pas à vendre !

La possibilité d'un PPT

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Par Emmanuel Quéré