Planneur Romantique #91

La possibilité d'un PPT : Rebeka Warrior. Toutes les vies

La possibilité d'un PPT
4 min ⋅ 13/10/2025

La possibilité d’un PPT is a place to record the stuff I think that doesn't have an immediate client Powerpoint.



Père ManQ, raconte-nous une histoire.

Nous sommes le 13 octobre, “journée mondiale du cancer du sein métastatique” qui tombe cette année encore le même jour que l’anniversaire de ma femme (joyeux 41 ans coeur).
Rien ne lui sera épargné.

La femme de Rebeka Warrior en est morte, avant ses 40 ans.
Toutes les vies est le récit de ce qui se passe en soi, du bordel psychologique et physique à l’œuvre, lorsqu’on passe d’amant à aidant.

Le livre aurait pu prendre la forme d’un parcours en douze étapes (les Alcooliques anonymes et toute la clique, y’a des 12 steps pour tout maintenant), mais pour une héraison (j’ai décidé d’inventer un mot entre raison et hérésie) marketing qui m’échappe, elle s’est arrêtée à onze étapes.
Onze étapes, onze chapitres, onze œuvres et auteurs qui l’ont aidée dans cet infini parcours de reconstruction. (Marc Aurèle, Thomas Mann, Gide… il faut ce qu’il faut).

C’est essentiellement un assemblage d’extraits de ces œuvres et de fragments du journal qu’elle tenait.
Sans censure : ni sur ce qu’elle a pu ressentir mais qu’on ne peut pas dire, ni sur ce qu’elle a pu faire mais qu’on ne peut pas avouer.

Puisqu’il faut bien retomber sur nos pattes publicitaires, je vous invite à prendre deux minutes pour regarder ce film pour la fondation Margaret, qui donne une bonne idée de ce qu’on peut ressentir en tant qu’aidant.

https://lbbonline.com/news/Rune-Milton-Princess-Margaret-Cancer-Foundation

Take care.

Citations et idées remarquables.

« J’ai senti venir la mort dans le miroir, dans mon regard dans le miroir, bien avant qu’elle y ait vraiment pris position. Est-ce que je jetais déjà cette mort par mon regard dans les yeux des autres ? » 

Hervé Guibert

Je me rappelle avoir demandé au toubib combien de ganglions il devait enlever et comment il savait lesquels étaient contaminés.
Il m’avait fixée avec son regard de sale maquereau pourri et avait levé les sourcils.
Évidemment qu’il n’en savait rien !
La médecine à ce niveau, c’est du bricolage.

Il avait glissé un dicton juif pendant la consultation, du genre « Les morts n’emmènent pas les vivants dans leur tombe »

C’était certes une maladie inexorable, mais elle n’était pas foudroyante, c’était une maladie à paliers, un très long escalier qui menait assurément à la mort mais dont chaque marche représentait un apprentissage sans pareil, c’était une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie. »

Hervé Guibert

« Nous sommes si peu faits pour être heureux ici-bas, qu’il faut nécessairement que l’âme ou le corps souffre quand ils ne souffrent pas tous les deux, et que le bon état de l’un fait toujours presque défaut à l’autre. » Jean-Jacques Rousseau

Parfois on entend des gens dire « quand je ne pourrai plus marcher ou plus me torcher le cul seul, je me tuerai, je ne serai un poids pour personne, je saurai dire stop, je serai digne ». Je pense au contraire que quand on est dos au mur, on choisit la vie… même misérable. Il était déjà loin le « il faudra me tuer ».

« Mon amour, sachez d’abord que je suis pleine de souvenirs de vous tous ces jours-ci, de vous, de votre vie, ça me fait tendre, émouvant jusqu’aux larmes et je reste confondue d’avoir connu un pareil bonheur, car en somme en un sens on vit très bien sans, ça fait un tel luxe. On ne penserait pas même à le désirer si on ne l’avait pas eu, à vrai dire on ne saurait même pas l’inventer – seulement ça me revient par bouffées et je suis toute pleine de désir de retrouver ça, mais ça n’est pas très douloureux parce que c’est sur un fond de certitude tranquille, je vous retrouverai, et tout avec vous. » Simone de Beauvoir

« Il est vrai que tout bouleversement, toute souffrance, toute situation défavorable provoquaient immédiatement en lui, comme en tous ceux de son espèce, le désir de s’y soustraire par la mort. Mais, peu à peu, il transforma ce penchant en philosophie utile à la vie. » Hermann Hesse

Nous écoutions régulièrement des méditations guidées de Christophe André le soir pour nous endormir. Moi, je rajoutais trois Xanax, pour que ce soit efficace.

« Une vie facile, un amour facile – ce n’était pas pour moi. » Hermann Hesse

Depuis l’arrivée, j’angoissais du rendez-vous individuel avec le Rōshi (le maître du temple). Il était très dur, mais c’était un passage obligatoire.
Il donnait cet entretien dans une petite pièce secrète, dissimulée derrière le Zendo. Les jours passaient et je n’osais pas y aller.
Tout le monde savait, intrinsèquement, qu’une question bête serait sévèrement raillée. Parfois les gens en ressortaient en pleurant.
J’attendis le cinquième jour pour me lancer.
J’arrivai dans une petite pièce en tatamis, minimaliste et magnifiquement ornée de bouddhas. Je m’agenouillai respectueusement et saluai le Rōshi.
Il ne parla pas.
Je dis alors : « Ma femme est morte d’un cancer.
Cela faisait deux ans que j’étais auprès d’elle pour la soigner.
Je suis dévastée, je n’arrive plus à vivre. »
Le Rōshi attendit quelques minutes avant de répondre : « Et alors ? »

Kompromat est un terme russe qui désigne un dossier compromettant. Nous avons choisi ce nom de groupe car il sert à faire chanter les individus. Nous sommes très premier degré.

Oh l’amour n’est rien s’il n’est une folie, une chose insensée, défen- due, et une aventure dans le mal. Autrement c’est une banalité agréable, bonne pour faire des petites chansons paisibles dans la plaine. » Thomas Mann

La possibilité d'un PPT

La possibilité d'un PPT

Par Emmanuel Quéré