Planneur Romantique #79

La possibilité d'un PPT : Christian, David. Origines - Une grande histoire du monde du Big Bang à nos jours

La possibilité d'un PPT
10 min ⋅ 05/05/2025


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

13,9 milliards d’années ingérables en un A/R TGV Paris-Marseille,
13,9 milliards d’années en un mot : entropie.
13,9 milliards d’années en une comparaison : Sapiens de Harari couvre moins de 0,1 % de cette histoire.
13,9 milliards d’années en une conclusion : il y a le bon et le mauvais Anthropocène (le bon profite – augmente le confort – à 0,00001 % de la biomasse au détriment du reste).
13,9 milliards d’années en une anecdote : l’homme et la banane se sont séparés il y a 800 millions d’années.
13,9 milliards d’années en un schéma :

[ Big Bang → Énergie ]

[ Matière + Informations ]

[ Vie : Organismes "informivores" ]

[ Cerveaux : Cartes de la réalité virtuelle ]

[ Culture humaine : Transmission collective de l'information ]

[ Civilisations : Contrôle des flux d'énergie ]

[ Anthropocène : Pouvoir géologique humain ]

[ Défi : Construire un Anthropocène soutenable ]

13,9 milliards d’années en 10 citations :

  1. « L’énergie provoque le changement, mais l’information conduit le changement. »
    (Fondement du fonctionnement de l'univers et de la vie.)

  2. « Une différence qui fait la différence. »
    (Définition simple et profonde de ce qu'est l'information.)

  3. « Tous les organismes vivants sont informivores. »
    (Résumé radical de la condition de tout ce qui est vivant.)

  4. « Nous vivons tous dans une riche réalité virtuelle construite par notre cerveau. »
    (Notre perception est une construction adaptative, pas une réception directe.)

  5. « Les émotions sont le moteur de la prise de décision. »
    (Pas la raison pure : c’est l’émotion qui oriente notre action.)

  6. « Ce qui nous rend radicalement différents des autres espèces, c’est notre contrôle collectif de l’information. »
    (L'essence de la singularité humaine.)

  7. « L’histoire humaine est celle d’une évolution culturelle cumulative. »
    (Le mécanisme principal de notre transformation rapide.)

  8. « Nous sommes devenus en quelque sorte les pilotes de la planète, sans trop savoir de quels instruments nous disposons. »
    (L'aveuglement humain dans l'Anthropocène.)

  9. « La richesse consiste à contrôler les flux d’énergie qui créent et transforment les choses. »
    (Définition énergétique et dynamique de la richesse.)

  10. « Le défi est de préserver le meilleur du bon Anthropocène tout en évitant le pire. »
    (Le résumé du projet collectif de l'humanité actuelle.)

13,9 milliards d’années en une courte conclusion : nous sommes foutus.


PS : Je me suis rendu compte lors de l’édition précédente (après 77 éditions) que la version que j’écrivais et prévisualisais en ligne était différente de celle qui atterrissait dans vos boîtes email, et aussi différente de celle qui s'affichait en ligne. Des mots étaient modifiés (verbes conjugués transformés en infinitifs, phrases entières caviardées…).

J’investigue, autocorrection Kessel bancale a priori, c’est français, c’est normal, mais merci d’avoir toléré ça jusque là.


Citations et idées remarquables.

Pourtant, curieusement, l’éducation laïque moderne est dépourvue d’un récit des origines robuste qui relierait tous les domaines du savoir. Et peut-être est-ce pour cette raison que le sentiment de désarroi, de division et d’absence de direction décrit par Durkheim est palpable partout dans le monde actuel, de Delhi à Lima, de Lagos à Londres. Le problème est que, dans un monde connecté à l’échelle planétaire, les récits locaux des origines sont si nombreux qu’ils se gênent mutuellement, se disputant la foi et l’attention de la population. La plupart des éducateurs modernes se concentrent donc sur des fragments du récit, et les élèves apprennent à connaître leur monde discipline par discipline. Du calcul à l’histoire contemporaine en passant par la programmation informatique, nous apprenons de nos jours des choses insoupçonnées de nos ancêtres du lac Mungo. Cependant, contrairement à eux, nous sommes rarement encouragés à rassembler ces connaissances en un récit unique et cohérent, à la façon dont les globes terrestres des salles de classe d’antan combinaient des milliers de cartes locales pour offrir une unique carte du monde. Il en résulte une compréhension fragmentée de la réalité et de la communauté humaine à laquelle nous appartenons tous.

« Quel sens a l’univers ? interrogeait Joseph Campbell, spécialiste des mythes et des religions. Quel sens a une puce ? Elle est là, c’est tout, et le sens que vous avez, c’est d’être là »

Joseph Campbell a décrit poétiquement le rôle de l’entropie dans un livre sur la mythologie : « Le monde, tel que nous le connaissons [...] n’offre qu’un seul dénouement : la mort, la désintégration, le démembrement et, pour notre coeur, la crucifixion au moment où disparaissent les formes que nous avons aimées. »

L’homme moyen ingère environ 2 500 calories par jour, soit environ 10,5 millions de joules (MJ, mesure du travail ou de l’énergie ; une calorie représente environ 4184 joules). Divisez ce chiffre par 86 400 secondes dans une journée et vous verrez qu’un individu mobilise environ 120 joules par seconde. C’est la « puissance » du corps humain : 120 watts, soit à peine plus que celle de nombreuses ampoules électriques traditionnelles.

L’énergie provoque le changement, on la voit donc généralement à l’oeuvre, mais l’information conduit le changement, souvent dans l’ombre. Comme le dit Seth Lloyd : « Pour faire quoi que ce soit, il faut de l’énergie. Pour préciser ce qui est fait de l’information ».

L’une des définitions les plus célèbres de l’information est « une différence qui fait la différence

Le philosophe Daniel Dennett écrit : « Les animaux ne sont pas seulement des herbivores ou des carnivores. Ils sont... informivores. »5 En réalité, tous les organismes vivants sont informivores. Ils consomment tous de l’information, et les mécanismes qu’ils utilisent pour lire et répondre à l’information locale — qu’il s’agisse d’yeux et de tentacules ou de muscles et de cerveaux — expliquent en grande partie la complexité des organismes vivants.

Les organismes vivants doivent constamment être sensibles et s’adapter aux changements de leur environnement. Cet ajustement constant est connu sous le nom de « conservation de l’homéostasie ». Pour maintenir une sorte d’équilibre dans un environnement changeant, les cellules doivent continuellement accéder, télécharger et décoder des informations sur leur environnement interne et externe, décider de la meilleure réponse à apporter, puis y répondre. Le mot homéostasie signifie « rester immobile », ce qui est le contraire de « changer ». Cela prend tout son sens si l’on pense au fait de rester immobile au milieu de l’ouragan moléculaire incessant que constitue l’environnement de la cellule.

Bien qu’ils ne sachent pas exactement à quoi il ressemblait, les biologistes désignent le premier organisme vivant sous le nom de Luca (ou LUCA, pour Last universal common ancestor, « Dernier ancêtre commun universel »).

Peu avant 1600, un cartographe néerlandais, Abraham Ortelius, a fait remarquer que les Amériques semblaient avoir été « arrachées » à l’Europe par une catastrophe2. Si vous regardez une carte du monde moderne, vous verrez que l’épaule du Brésil s’insère parfaitement dans l’aisselle de l’Afrique occidentale et centrale, tandis que l’Afrique de l’Ouest s’insère parfaitement dans l’immense arc des Caraïbes.

Nous pouvons donc affirmer avec une certaine confiance que l’homme et le chimpanzé ont partagé un ancêtre commun il y a environ sept à huit millions d’années, tandis que l’homme et la banane ont suivi des voies génétiques différentes depuis environ 800 millions d’années.

Avec l’apparition de nombreux organismes qui obtiennent leur énergie en consommant d’autres organismes, la biosphère est devenue plus complexe, plus diversifiée et plus hiérarchisée, car l’énergie de la lumière solaire traverse différents niveaux trophiques, des plantes aux animaux en passant par les champignons. Les animaux, comme nous les humains, obtiennent leur énergie de seconde main. Nous utilisons de l’énergie qui a d’abord été captée par les plantes et, lorsqu’elle nous parvient, une grande partie a été filtrée. Les écologues parlent d’une chaîne alimentaire, une sorte de file d’attente de consommateurs d’énergie, avec les plantes au sommet, suivies par les herbivores (ou créatures mangeuses de plantes), puis les carnivores, qui peuvent consommer les herbivores, et enfin les champignons, qui ferment la marche en se régalant des morts. Tout ce processus fait le bonheur de l’entropie, qui taxe les déchets à chaque étape. Environ 90% de l’énergie captée par la photosynthèse est perdue à tous les niveaux trophiques, de sorte qu’il y a beaucoup moins d’énergie disponible pour les maillons suivants de la chaîne alimentaire. C’est pourquoi il y a moins d’animaux que de plantes et moins de carnivores que d’herbivores sur Terre. Mais les champignons s’en sortent bien dans les deux cas, puisqu’ils recyclent les carcasses.

Cependant, au fur et à mesure que les organismes devenaient plus grands et plus complexes, ils avaient besoin de plus d’informations sur leur environnement. La sélection naturelle a doté les organismes de grande taille d’un désir de disposer de plus d’informations, car de bonnes informations étaient essentielles à leur réussite. C’est pourquoi, lorsqu’un être humain résout une énigme, son cerveau ressent la même excitation que celle que lui procurent la nourriture et le sexe.


Charles Darwin a compris que les émotions sont des facteurs de décision qui ont évolué au fil de la sélection naturelle pour aider les organismes à survivre. L’antilope qui veut faire des câlins aux lions a peu de chances de transmettre ses gènes à sa progéniture. Les émotions les plus fondamentales, celles qui sont les moins susceptibles d’être contrôlées consciemment, semblent bouillonner en nous. Elles comprennent la peur et la colère, la surprise et le dégoût, et peut-être aussi un sentiment de joie. Elles nous prédisposent à réagir d’une certaine manière et envoient les signaux chimiques qui préparent notre corps à courir ou à se concentrer, à attaquer ou à étreindre. Les émotions sont le moteur de la prise de décision chez tous les animaux dotés d’un grand cerveau, et certaines émotions, comme la peur, sont probablement présentes chez tous les vertébrés et peut-être chez certains invertébrés, en particulier les plus intelligents comme les pieuvres. Les préférences que les émotions créent pour certains résultats et comportements sont à la base de la recherche de sens et de l’éthique chez l’homme.

Pendant longtemps, les muscles des dinosaures ont battu le cerveau des mammifères. Jusqu’au jour où, il y a 65 millions d’années, tout a basculé en un instant.

Dans le corps humain, le cerveau utilise 16% de l’énergie disponible, alors qu’il ne représente que 2% de la masse corporelle. Ainsi, à choisir entre les muscles et le cerveau, l’évolution a généralement opté pour plus de muscles et moins de cerveau. C’est pourquoi il existe si peu d’espèces hautement cérébrales. Certaines espèces méprisent tellement le cerveau qu’elles le considèrent comme un luxe superflu. Il existe des espèces de limaces de mer qui possèdent un mini-cerveau lorsqu’elles sont jeunes. Elles s’en servent pour parcourir les mers à la recherche d’un perchoir à partir duquel elles filtrent leur nourriture. Mais une fois qu’elles ont trouvé leur perchoir, elles n’ont plus besoin d’un équipement aussi coûteux, alors... elles mangent leur cerveau.

Mais ce qui nous rend radicalement différents des autres espèces, c’est notre contrôle collectif de l’information sur notre environnement. Nous ne nous contentons pas de collecter des informations, comme le font les autres espèces. Nous semblons les cultiver et les domestiquer, comme les agriculteurs cultivent leurs récoltes. Nous produisons et partageons de plus en plus d’informations et les utilisons pour exploiter des flux d’énergie et de ressources de plus en plus importants. Les nouvelles informations ont permis aux humains de disposer de meilleures lances, d’arcs et de flèches qui leur ont permis de chasser de plus gros animaux en toute sécurité. Elles leur ont fourni de meilleurs bateaux qui leur ont ouvert l’accès à de nouvelles zones de pêche et à des terres inconnues. Ils y ont approfondi leurs connaissances botaniques, ce qui leur a permis de distinguer les plantes toxiques de celles potentiellement comestibles, comme le manioc. Les nouvelles informations sont à l’origine des technologies qui nous permettent aujourd’hui d’exploiter l’énergie des combustibles fossiles et de construire les réseaux électroniques qui nous relient au sein d’un système mondial unique.

Au fil du temps, communauté par communauté, ce partage a créé ce que le géologue russe Vladimir Vernadsky a appelé une noosphère, un réseau mondial unique de l’esprit, de la culture, des pensées et des idées partagées. Comme l’écrit Michael Tomasello : « il n’y a qu’un seul mécanisme biologique connu qui puisse provoquer de tels changements dans le comportement et la cognition en si peu de temps, et ce mécanisme est la transmission sociale ou culturelle, qui opère sur des échelles de temps beaucoup plus rapides que celles de l’évolution organique ». Ce processus, que Tomasello appelle « évolution culturelle cumulative », est propre à notre espèce.

Bien que la taille et la structure du cerveau humain n’aient pas changé depuis l’apparition de l’Homo sapiens en Afrique de l’Est, la capacité d’apprentissage de chaque être humain et sa mémoire historique se sont développées tout au long des siècles grâce à l’apprentissage partagé, c’est-à-dire grâce à la transmission de la culture. L’évolution culturelle, un mode d’adaptation non biologique, agit parallèlement à l’évolution biologique comme un moyen de transmettre la connaissance du passé et le comportement adaptatif à travers les générations. Toutes les réalisations humaines, de l’Antiquité aux temps modernes, sont le produit d’une mémoire commune accumulée au fil des siècles20. » Le grand historien W. H. McNeill a construit son ouvrage classique The Rise of the West autour de la même idée : « Le principal facteur favorisant un changement social historiquement significatif est le contact avec des inconnus possédant des compétences nouvelles et peu familières ».

la population d’animaux sauvages (ceux qui n’intéressent pas les agriculteurs) s’est effondrée. En 2000, la biomasse totale des mammifères terrestres sauvages représentait environ 4% de celle des mammifères terrestres domestiques.

Prenons un exemple au hasard : près de Varna, sur la mer Noire, se trouve un site funéraire vieux de six mille ans qui contient plus de deux cents tombes. De nombreux morts y ont été enterrés sans rien ou avec quelques objets simples, mais environ 10% des tombes contenaient beaucoup plus ; l’une d’entre elles contenait plus de mille objets, principalement en or, y compris des bracelets, des haches en cuivre et même un étui pénien2. Il s’agissait d’une structure pyramidale bien connue, avec une élite d’environ 10% de la population et une seule personne au sommet, alors que la plupart des habitants vivaient presque dans la subsistance.

Comme l’a écrit le théoricien politique anglais Thomas Hobbes dans le Léviathan (1651), le droit de distribuer les ressources « appartient, dans chaque type de communauté, au pouvoir souverain. Car là où il n’y a pas de communauté, il y a [...] une guerre perpétuelle de chaque homme contre son voisin ».

la richesse n’est jamais vraiment constituée de choses, mais qu’elle consiste à contrôler les flux d’énergie qui créent, déplacent, extraient et transforment les choses. La richesse est une sorte de lumière solaire comprimée, tout comme la matière est en fait de l’énergie solidifiée. La tâche principale des dirigeants et des gouvernements consistait à mobiliser cette énergie solaire comprimée – c’est-à-dire le travail et les ressources des populations, ainsi que les flux de richesses que cela permettait. Cette tâche allait façonner tous les aspects de l’évolution et de l’histoire des civilisations agraires.

« Je vends ici, monsieur, ce que tout le monde

Au xxe siècle, nous, les humains, avons commencé à transformer notre environnement, nos sociétés et même notre propre nature. Sans le vouloir, nous avons introduit des changements si rapides et si massifs que notre espèce est devenue l’équivalent d’une nouvelle force géologique. C’est pourquoi de nombreux chercheurs ont commencé à affirmer que la planète Terre est entrée dans une nouvelle ère géologique, l’époque de l’Anthropocène, ou « âge de l’homme ». C’est la première fois, au cours des quatre milliards d’années d’histoire de la biosphère, qu’une seule espèce biologique devient la force dominante du changement. En l’espace d’un siècle ou deux, profitant des énormes flux d’énergie et des innovations remarquables de la révolution des combustibles fossiles, nous, les humains, sommes devenus en quelque sorte les pilotes de la planète, sans trop savoir de quels instruments nous disposons, sur quels boutons nous devons appuyer, ni où nous pourrions atterrir. Nous pénétrons donc dans un nouveau territoire pour l’homme et pour la biosphère dans son ensemble.

Le monde consumériste d’aujourd’hui est totalement différent. Il est alimenté par des systèmes économiques qui, dans les régions les plus florissantes du monde, produisent tellement de richesses matérielles que leur survie même dépend de la consommation massive et soutenue d’une classe moyenne mondiale en pleine expansion. L’idée de progrès, que la plupart d’entre nous considèrent comme acquise, est également nouvelle. Tout au long de l’histoire de l’humanité, les gens ont supposé que, à moins que ne survienne une catastrophe, les enfants vivraient avec une qualité de vie similaire à celle de leurs parents.

Comme le dit un climatologue américain, « le climat est une bête enragée, et nous la combattons avec un bâton »

Pour la majeure partie de l’histoire de l’humanité, l’espérance de vie à la naissance était inférieure à trente ans. Ce n’est pas parce que les gens ne vivaient pas jusqu’à 60 ou 70 ans, mais parce que beaucoup d’enfants mouraient jeunes et que beaucoup d’adultes mouraient de traumatismes physiques et d’infections qui ne les auraient pas tués aujourd’hui. L’espérance de vie n’a pratiquement pas changé pendant cent mille ans. Puis, rien qu’au cours des cent dernières années, l’espérance de vie moyenne a presque doublé dans le monde entier parce que les humains ont acquis les informations et les ressources nécessaires pour prendre beaucoup mieux soin des jeunes et des personnes âgées, pour nourrir davantage de personnes et pour améliorer le traitement et les soins des malades et des blessés.

C’est le « bon » Anthropocène (bon d’un point de vue humain) qui a généré une vie meilleure pour des milliards de personnes, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité (si vous en doutez, pensez à subir une opération chirurgicale sans l’anesthésie moderne). Mais il existe aussi un « mauvais » Anthropocène, composé de nombreux changements qui menacent les progrès du « bon » Anthropocène. Tout d’abord, le mauvais Anthropocène a généré d’énormes inégalités. Malgré l’augmentation colossale des richesses, des millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Et s’il est tentant de penser que le monde moderne a aboli l’esclavage, l’Indice mondial de l’esclavage 2016 estime que plus de quarante-cinq millions d’êtres humains vivent aujourd’hui comme des esclaves. Le « mauvais » Anthropocène n’est pas seulement moralement inacceptable. Il est également dangereux car il provoque la survenue de conflits, et dans un monde doté d’armes nucléaires, tout conflit majeur pourrait s’avérer catastrophique pour la majeure partie de l’humanité. Le « mauvais » Anthropocène menace également de réduire la biodiversité et de saper le système climatique stable des dix derniers millénaires. Les flux d’énergie et de ressources qui soutiennent la consommation humaine croissante sont désormais si importants qu’ils appauvrissent les ressources dont les autres espèces ont besoin et mettent en péril les fondements écologiques sur lesquels repose la société moderne. Autrefois, les mineurs de charbon transportaient des canaris dans les mines pour détecter le monoxyde de carbone. Aujourd’hui, le déclin de la biodiversité et la fonte des glaciers nous indiquent que quelque chose de dangereux est en train de se produire et que nous devons agir. Le défi auquel nous sommes confrontés en tant qu’espèce est très clair : pouvons-nous préserver le meilleur du « bon » Anthropocène et éviter les dangers du « mauvais » ? Pouvons-nous répartir plus équitablement la manne d’énergie et de ressources de l’Anthropocène afin d’éviter des conflits aux conséquences catastrophiques ? Et pouvons-nous, comme les premiers organismes vivants, apprendre à utiliser des flux de ressources plus réduits et davantage soutenables pour y parvenir ? Serons-nous capables de trouver des équivalents mondiaux des délicates pompes à protons utilisées actuellement pour alimenter toutes les cellules vivantes, ou continuerons-nous à dépendre de flux d’énergie et de ressources si énormes qu’elles finiront par ébranler les sociétés formidablement complexes que nous avons construites au cours des deux derniers siècles ?

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Par Emmanuel Quéré