Planneur Romantique #49

La possibilité d'un PPT : Abel Quentin - Cabane

La possibilité d'un PPT
5 min ⋅ 09/09/2024

C’est quoi l’idée ?

Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.

Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.

Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

En 2019, Sœur faisait se rencontrer le Djihadisme et la classe moyenne périphérique, en 2021, Le Voyant d’Étampes le Wokisme et l’arrière garde intellectuelle française, en 2024 Cabane l’environnementalisme avec le consommateur moyen et capitaliste par défaut.

Une œuvre qui semble traversée par la cécité cognitive ou l’incapacité de l’homme à comprendre, prendre conscience de l’avènement d’un phénomène inéluctable ; surtout et simplement parce que ça ne l’arrange pas vraiment.  

Abel Quentin abandonne le 
ricanement de son précédent roman pour un registre réaliste un peu plombant. Vous qui entrez dans Cabane, abandonnez toute espérance, vous n’y trouverez aucune solution, uniquement le récit de 50 années gâchées par notre inaction ou par « Les milliards de gestes de consommation et de production qui sont des meurtres sans coupable parce que personne n’est responsable du tableau d’ensemble, personne n’a pour projet personnel d’enlaidir le monde, encore moins de détruire la civilisation »

A défaut d’être très gay, Abel Quentin arrive à nous éclairer sur les raisons tellement irrationnelles mais tellement humaines de cet aveuglement collectif. 
Des raisons qui peut-être pourraient se transformer en insights performatifs.

C’est de voir des gens comme moi s’inquiéter qui m’avait décidé à m’inquiéter, à mon tour. 
Tant que ceux qui s’inquiétaient ne me ressemblaient pas, je ne prenais pas les choses au sérieux.

Tu connais la phrase de Groucho, « Qu’est-ce qu’elles ont fait pour nous, ces générations futures » ?
C’était une boutade mais en réalité ce n’est pas si stupide que ça, c’est une vérité énorme si on réfléchit. La solidarité ne peut s’exercer qu’entre êtres humains vivants, Patty ! Tu ne peux pas être solidaire avec ce qui n’existe pas. C’est même rassurant quand on y pense, car il n’y a pas à se ronger les sangs, on peut profiter un peu.

Il n’y a rien de plus monstrueux qu’une fonction exponentielle, poursuivit le maître. Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes entrés dans une ère de croissance exponentielle. Mais nous ne nous en inquiétons pas, pour une raison très simple : le bon sens ne craint pas ce qu’il ne peut pas se représenter.


Si on rit beaucoup moins que dans le voyant d’Etampes on y lit tout de même quelques vacheries qui font sourire, comme ici juste après la défaite de l’équipe de France en finale de la coupe du monde 2022.

D’humeur taquine, le DJ passe I Will Survive de Gloria Gaynor tandis que les images de Mbappé en pleurs défilent sur les trois écrans installés dans la salle de réception, mais en vérité personne n’est vraiment traumatisé, les riches ont déjà digéré la défaite, tous considèrent plus ou moins la qualité de fan absolu de l’équipe de France comme une tare des classes moyennes, ou pire : un passe-temps de Gilets jaunes.

Citations et idées remarquables.

Il songea qu’après une trop longue séparation les souvenirs communs, au lieu de réunir les gens, dressaient entre eux une barrière invisible, et il regretta d’avoir imposé ce dîner.

 

Il n’y a rien de plus monstrueux qu’une fonction exponentielle, poursuivit le maître. Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes entrés dans une ère de croissance exponentielle. Mais nous ne nous en inquiétons pas, pour une raison très simple : le bon sens ne craint pas ce qu’il ne peut pas se représenter.

 

D’une façon générale, ils aimaient observer les phénomènes nouveaux ; c’était une façon de se désennuyer,

 

« Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

 

Tu connais la phrase de Groucho, « Qu’est-ce qu’elles ont fait pour nous, ces générations futures » ? C’était une boutade mais en réalité ce n’est pas si stupide que ça, c’est une vérité énorme si on réfléchit. La solidarité ne peut s’exercer qu’entre êtres humains vivants, Patty ! Tu ne peux pas être solidaire avec ce qui n’existe pas. C’est même rassurant quand on y pense, car il n’y a pas à se ronger les sangs, on peut profiter un peu.

 

Les scientifiques pouvaient parler aux bourgeois. « Le cœur des bourgeois est atrophié mais leur cerveau demeure, pour certains, à peu près fonctionnel »,

 

D’humeur taquine, le DJ passe I Will Survive de Gloria Gaynor tandis que les images de Mbappé en pleurs défilent sur les trois écrans installés dans la salle de réception, mais en vérité personne n’est vraiment traumatisé, les riches ont déjà digéré la défaite, tous considèrent plus ou moins la qualité de fan absolu de l’équipe de France comme une tare des classes moyennes, ou pire : un passe-temps de Gilets jaunes.

 

Bon, bon, eh bien dans les assurances, les actes de Dieu sont les catastrophes naturelles incontrôlables. C’est en train de devenir notre locomotive, notre activité la plus rentable dans un monde où le pire devient probable.
Là vous avez Les Actes des hommes, Acts of Men en anglais, qui représente les risques technologiques (une catastrophe nucléaire, par exemple).
« Acts of Devil », comme nous les nommons dans notre petit sabir professionnel. Ce sont les destructions volontaires commises par les hommes, les attentats terroristes par exemple.

 

Des rides lui pinçaient le coin des yeux qui riaient encore de tous les plaisirs tirés de l’existence ; parfois je me disais que ce genre de trogne avait disparu avec la croissance et le plein emploi, c’étaient des trognes magnifiques, de gens qui ne nourrissaient aucun regret, qui avaient croqué dans les fruits juteux de la vie avant de s’essuyer avec la manche, en reniflant. Ces trognes narguaient ma génération à moi, Rudy, qui avait eu dix-huit ans au tournant du millénaire. J’avais fait mon lycée à Lyon, sous Jospin : je me souvenais boire des bières et du rosé en cubi en écoutant Louise Attaque. Combien de fois mes amis et moi avions-nous trempé un gressin dans un bol de houmous industriel, en rêvant d’amour physique ? Parfois, nous oubliions une 1664 au congélateur, et elle explosait. Allez viens, je t’emmène au vent… hululais-je, sans trop y croire.

À l’époque, je portais un serre-tête sur mes cheveux longs, gras et huileux. Ce n’était peut-être pas un hasard, pensai-je, si les années 1990 avaient accouché de l’âge d’or du death metal français, musique de désespérés qui avait vu le jour dans les garages des premières maisons Phénix et dans les granges où l’on décrochait, déjà, les corps sans vie des agriculteurs.

 

C’est de voir des gens comme moi s’inquiéter qui m’avait décidé à m’inquiéter, à mon tour. Tant que ceux qui s’inquiétaient ne me ressemblaient pas, je ne prenais pas les choses au sérieux.

 

Vous connaissez la mentalité scandinave ? Elle peut se résumer en quatre mots : « Tu n’es pas spécial. » Personne n’est spécial. Tu n’es qu’une particule insignifiante de la communauté.

 

La suite de Fibonacci est un double symbole : celui de l’harmonie de la Nature, et celui de la démesure des hommes, de la multiplication incontrôlée des individus et de leurs machines

 

Pour l’individu moderne, la nature n’est plus une présence originelle et se résume à des « signes de nature remis en circulation ». Quand je regardais une photo de désert, je ne voyais plus une étendue de sable, encore moins une retraite où l’homme dialogue avec l’infini : je voyais un DÉCOR vide, qui attendait depuis des millions d’années qu’une pub Shalimar puisse y être tournée.

 

Mon fils ne voulait pas que je vous voie. Il a peur que vous soyez un espion ou un agent du fisc. Il vote Donald Trump, il pense que Joe Biden est pédophile. A pedo. Et pourtant, il est très engagé pour une agriculture sociale et solidaire. Quand je lui dis que ça n’a aucun sens, il hausse les épaules, et se met à marmonner des trucs. C’est un des traits saillants de cette époque : quand j’étais jeune, les opinions étaient rarement indissociables les unes des autres, elles constituaient des blocs. Dans nos milieux, militer contre la guerre du Vietnam supposait que l’on soit pour l’avortement et les droits des homosexuels, par exemple. Les trois sujets ne sont pas connectés, pourtant ils allaient de pair. En génétique (vous savez peut-être que j’ai une formation de biologiste), on appelle ça l’effet pléiotropique. Aujourd’hui, c’est très différent. Les gens se fabriquent un édifice de croyances maison.

 

« La mort est une conversation interrompue. » C’est tout à fait ça. Vous poursuivez une discussion qui dure depuis quarante ans, et d’un coup, au milieu d’une phrase, paf, la personne n’est plus là, et vous, vous êtes comme une idiote, avec des choses que vous vouliez dire et qui vous restent sur les bras.

 

Les milliards de gestes de consommation et de production qui sont des meurtres sans coupable parce que personne n’est responsable du tableau d’ensemble, personne n’a pour projet personnel d’enlaidir le monde, encore moins de détruire la civilisation.

 

Je repensai aux mots de Janet Malcolm, dans Le Journaliste et l’Assassin, que Cédric citait souvent aux débutants : « Le journaliste qui n’est ni trop bête ni trop imbu de lui-même pour regarder les choses en face le sait bien : ce qu’il fait est moralement indéfendable. Il est tel l’escroc qui se nourrit de la vanité des autres, de leur ignorance ou de leur solitude ; il gagne leur confiance et les trahit sans remords. »

 

Philip K. Dick : « Devenir fou est parfois une réponse appropriée à la réalité. »

 


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Par Emmanuel Quéré

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