C’est quoi l’idée ?
Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.
Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.
Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.
Père ManQ, raconte-nous une histoire.
En ce jour de rentrée scolaire j’ai souhaité vous préparer à cette phrase aussi redoutée qu’inéluctable : Il faut qu’on parle de “Kevin”.
Bien sûr, votre enfant ne s’appelle pas Kevin mais ça marche aussi pour Gisèle, Romane, Simone ou Lucien.
La locution “Il faut qu’on parle de Kevin” est une sorte d’antonomase, un tour de langue connu de tous sans que personne ne sache trop quelle en est l’origine. On sait tous que ça vient d’un livre, ou d’un film, peut-être d’une pièce de théâtre mais le contenu reste flou.
“A la veille de ses 16 ans, Kevin Khatchadourian exécute neuf personnes dans son lycée.
A travers des lettres au père dont elle est séparée, sa mère retrace l'itinéraire meurtrier de son fils”
“Estomaqué”.
Je ne crois n’avoir jamais écrit, prononcé ou fait l’expérience de ce mot avant le plot twist d’un livre dont la quatrième de couverture, pense t-on, dit tout. C’était un vendredi, c’était dans un Toulouse-Paris.
C’est rempli d’insights sur la vie de couple, les raisons de vouloir - ou pas - un enfant, les tabous qui entourent la parentalité et la vie de famille, bourré de petites observations, d’allégories et de métaphores un peu neuves pour ceux qui comme moi aiment à se rappeler de toujours “avoid the dead things” dans l’écriture.
C’est un roman (not a true story) c’est bien écrit, c’est ficelé ; chaque lettre se termine sur un cliffhanger qui oblige à lire la suivante et ainsi de suite jusqu’à la fin. Habile et utile tactique de storytelling qui nous amène jusqu’à, malgré les 200 pages de trop, vers cet estomaquant twist final.
Citations et idées remarquables.
Pour beaucoup de couples qui se disputent, ce qui les oppose peut rester assez flou, une sorte de ligne, une abstraction qui les divise – un passé, une vague rancune, une lutte inconsciente pour le pouvoir, qui leur échappe : un écran de fumée. Il est possible que, dans leurs moments de réconciliation, l’absence de réalité de cette ligne contribue à sa dissolution.
Non que le bonheur soit ennuyeux. C'est juste qu'il ne se raconte pas bien.
La seule façon pour moi d'aller vraiment voir ailleurs était de voyager vers une vie différente, pas vers un aéroport de plus. « La maternité, ai-je résumé, voilà un pays étranger. »
Moi je parle topographie. Topographie émotionnelle, topographie narrative. Nous vivons en Hollande ; il m'arrive parfois de rêver de Népal. »
Lorsqu'une voiture me frôle sur un passage protégé, j'ai remarqué que, souvent, le conducteur est furieux - hurlements, gesticulations, insultes - contre moi, qu'il vient de quasiment renverser, et qui avais indiscutablement le droit de traverser à cet endroit. Il s'agit là d'une caractéristique vivace des conducteurs mâles, qui paraissent s'indigner d'autant plus qu'ils sont dans leur tort. Je crois que le raisonnement émotionnel, si l'on peut utiliser cette expression, est transitif. À cause de vous, me sentir mauvais me met en rage ; ergo, vous me mettez en rage.
Je n'étais pas courageuse, mais entêtée, et orgueilleuse. La simple obstination est infiniment plus durable que le courage, à défaut d'être aussi jolie.
J'ai une théorie selon laquelle la plupart des gens peuvent être situés sur un spectre rudimentaire, tous leurs autres attributs étant corrélés à leur position sur cette échelle. Et leur position sur cette échelle dépend de la réponse à cette question : à quel point exactement sont-ils contents d'être là, d'être en vie ?
Comme De Beers contingentant la production de diamants, je m'étais faite rare,
Quand on est désespéré, on consent souvent des pertes à long terme en échange d'un soulagement immédiat.
il est rare que l'objet de nos attentions soit intrinsèquement nul ou pleinement séduisant. Rien n'est intéressant, si l'on n'est pas soi-même intéressé.
il s'est trouvé, comme on disait de mon temps. Il n'a plus à se demander s'il est un monstre ou un mauvais clown, un benêt, ou un cador, ou un polard. Il n'a pas à se demander s'il est homo. Il est un meurtrier. C'est une merveilleuse absence d'ambiguïté.
la violence familiale a ses vertus. Brute, déchaînée, elle arrache le voile de civilisation qui fait écran entre nous, autant qu'il rend la vie possible. Piètre substitut du genre de passion que nous nous plaisons à célébrer, peut-être, mais le véritable amour a plus en commun avec la haine et la colère qu'avec la bienveillance ou la politesse.
je soupçonne les enfants d'avoir envie que leurs parents soient occupés, ils ne veulent pas devoir remplir ton emploi du temps avec leurs misérables besoins. Les enfants veulent enfants veulent avoir l'assurance qu'il y a autre chose à faire, des choses importantes. Plus importantes, de temps en temps, qu'eux-mêmes.
Peut-être parce qu'il a déjà tout ce qu'on peut avoir. La grande maison. La bonne école. Je crois que, d'une certaine façon, la vie est très difficile pour les gamins d'aujourd'hui. La prospérité même du pays est devenue un fardeau, un cul-de-sac. Tout marche, n'est-ce pas ? Si l'on est blanc et que l'on appartient aux classes moyennes, du moins. Du coup, les jeunes doivent avoir souvent le sentiment de n'être pas nécessaires. En un sens, c'est comme s'il ne restait plus rien à faire. — Sauf tout casser.
j'ai remarqué les gens, à la télé, dans le poste : la moitié du temps, ils sont en train de regarder la télé.
Dans ma vision, le monde est divisé entre ceux qui regardent et ceux qui sont regardés, et le public est de plus en plus nombreux, et il y a de moins en moins de choses à voir. Les gens qui font vraiment des choses sont une espèce en voie de disparition.