Planneur Romantique #86

La possibilité d'un PPT : Dostoïevski, Fédor Mikhaïlovitch. L'Idiot

La possibilité d'un PPT
4 min ⋅ 21/07/2025

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Père ManQ, raconte-nous une histoire.

Quelques trucs intéressants sur L’Idiot.

Le roman débute dans un train ; c’est la première fois dans l’histoire de la littérature que la figure du train est convoquée.

Il était environ neuf heures du matin ; c’était à la fin de novembre, par un temps de dégel. Le train de Varsovie filait à toute vapeur vers Pétersbourg.

Dosto écrit chaque paragraphe avec la volonté de faire naître une image forte dans la tête du lecteur, un KV, comme on dit chez nous. Imposez-vous cette contrainte.

À l’époque, le train est pour certains l’équivalent du portable aujourd’hui : un vice de la modernité.

Un penseur retiré du monde déplore cette trépidation :
« L’humanité devient trop bruyante et trop industrielle, aux dépens de sa quiétude morale. »
— « Soit ; mais le bruit des charrettes qui apportent le pain aux hommes affairés vaut peut-être mieux que la quiétude morale », réplique triomphalement un autre penseur, qui circule partout et se détourne du premier avec superbe.

En créant la figure du prince Mychkine (l’idiot) Dosto veut prouver qu’un homme de bien ne peut pas vivre dans notre société, tout simplement parce que sa bonté naturelle nous rendrait tous fous. C’est le motif de l’ensemble du roman. Tous les personnages deviennent fous face à cette réincarnation de Jésus. Puisque c’est la thèse du roman : le retour de Jésus est impossible et non souhaitable.
On ne peut pas vivre dans le monde des adultes sans avoir de vice.

Une chose seulement est vraie : je n’aime pas vraiment la compagnie des adultes, des grandes personnes. Je l’ai remarqué depuis longtemps. Je ne l’aime pas parce que je ne sais pas être avec eux.

On y trouve aussi la première critique du wokisme et l’origine des cheveux bleus chez les jeunes militants.

Il a suffi à certaines de nos demoiselles de se couper les cheveux, de porter des lunettes bleues et de se dire nihilistes pour se persuader aussitôt que ces lunettes leur conféraient des « convictions » personnelles.

On sent qu’il était payé au feuillet (ça tourne un peu en rond) mais du coup on a plein d’insights.

Citations et idées remarquables.

Il justifie l’exactitude du proverbe russe qui dit : « le bonheur est pour les gens d’une certaine catégorie ».

L’imagination peut-elle revêtir d’une forme déterminée ce qui, en réalité, n’en a point ?

L'amour de l'humanité est une abstraction à travers laquelle on n'aime guère que soi.

La beauté est une énigme.

Je suis ivre mais véridique.

Les morts n'ont pas d'âge.

Vous n’avez pas de tendresse. Vous ne voyez que la seule vérité ; donc vous êtes injuste.

Ils ont pleuré un peu mais ils ont fini par s'y habituer. L'homme s'habitue à tout, le lâche.

L’amour institue une égalité entre les êtres.

La compassion est la loi fondamentale et peut-être l'unique loi de l'existence de tout le genre humain

Oh qu'importent mes peines et mes malheurs si j'ai en moi la force d'être heureux

Il y a là un outrage à l'âme, ni plus ni moins. Il a été dit : Tu ne tueras point. Et voici que l'on tue un homme parce qu'il a tué.

Ce n’est pas quand il a découvert l’Amérique, mais quand il a été sur le point de la découvrir, que Colomb a été heureux

Il y a des gens dont il est malaisé de dire quelque chose qui les dépeigne d’emblée sous leur aspect le plus typique et le mieux caractérisé. Ce sont ceux qu’on est convenu d’appeler les gens « ordinaires », le « commun » et qui constituent, en effet, l’immense majorité de la société.

Il a suffi à certaines de nos demoiselles de se couper les cheveux, de porter des lunettes bleues et de se dire nihilistes pour se persuader aussitôt que ces lunettes leur conféraient des « convictions » personnelles.

« Je ne deviendrai pas Rothschild, ajoutait-il en souriant, et n’ai pas de motif de le devenir ; j’aurai une maison, peut-être même deux, sur la Liteinaia, et je m’en tiendrai là. » Il pensait à part soi : « qui sait ? peut-être bien trois aussi ! » mais il n’exprimait jamais ce rêve et le gardait dans son for intérieur. La nature aime et choie les gens de cette espèce ; elle gratifiera Ptitsine non de trois mais de quatre maisons, précisément parce que, dès son enfance, il s’est rendu compte qu’il ne serait jamais un Rothschild.

Chacun se trouvait en présence d’un singulier phénomène : rien n’était arrivé et cependant tout se passait comme si quelque chose de très important était arrivé.

Celui qui a pu souffrir plus que les autres est, par le fait même, digne de ce surcroît d’épreuves.

Le manque d’originalité a, de tous temps et en tous pays, passé pour la première qualité et la plus sûre introduction d’un individu capable, apte aux affaires et de sens pratique ; du moins les 99 % des hommes (au bas mot) ont toujours pensé ainsi, et 1 %, tout au plus, a toujours pensé et pense encore autrement.

On déplore continuellement chez nous le manque de gens pratiques ; on dit qu’il y a, par exemple, pléthore d’hommes politiques ; qu’il y a également beaucoup de généraux ; que si l’on a besoin de gérants d’entreprises, quel que soit le nombre exigé, on en peut trouver immédiatement dans tous les genres ; mais des gens pratiques, on n’en rencontre point.

Sais-tu bien qu’une femme est capable de torturer cruellement un homme, de le tourner en dérision, sans en éprouver le moindre remords de conscience ? Car, chaque fois qu’elle te regarde, elle se dit : « à présent je lui ferai souffrir mille morts ; mais après, mon amour le dédommagera… »

Un penseur retiré du monde déplore cette trépidation : « L’humanité devient trop bruyante et trop industrielle, aux dépens de sa quiétude morale. » – « Soit ; mais le bruit des charrettes qui apportent le pain aux hommes affairés vaut peut-être mieux que la quiétude morale », réplique triomphalement un autre penseur qui circule partout et se détourne du premier avec superbe.

Pour arriver à la perfection il faut commencer par ne pas comprendre beaucoup de choses.Celui qui saisit trop vite saisit sans doute mal.[...] - Ce qui a été caché aux forts et aux esprits sages a été révélé aux enfants.

». Toutefois j’ajouterai que, dans toute idée de génie, dans toute pensée neuve ou même simplement sérieuse qui naît en un cerveau humain, il y a toujours un reliquat qu’il est impossible de communiquer aux autres, quand bien même on y consacrerait des volumes entiers et l’on ressasserait la chose durant trente-cinq ans. Ce reliquat ne sortira à aucun prix de votre cerveau et il y demeurera à tout jamais ; vous mourrez sans l’avoir transmis à personne, et il enclora peut-être l’essentiel de votre pensée.

La possibilité d'un PPT

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Par Emmanuel Quéré