Planneur Romantique #67

La possibilité d'un PPT : Proust, Marcel. Le Temps retrouvé (Endgame)

La possibilité d'un PPT
4 min ⋅ 27/01/2025

C’est quoi l’idée ?

Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.

Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.

Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.


Père ManQ, raconte-nous une histoire.

Fin de la recherche du Temps perdu.

La question est, qu’allez-vous en faire maintenant ?


Citations et idées remarquables.

Pour que les choses paraissent nouvelles, même si elles sont anciennes, et même si elles sont nouvelles, il faut en art, comme en médecine, comme en mondanité, des noms nouveaux

les nouveautés coupables ou non n’excitent l’horreur que tant qu’elles ne sont pas assimilées et entourées d’éléments rassurants.

Le dreyfusisme était maintenant intégré dans une série de choses respectables et habituelles. Quant à se demander ce qu’il valait en soi, personne n’y songeait, pas plus pour l’admettre maintenant qu’autrefois pour le condamner. Il n’était plus «shocking». C’était tout ce qu’il fallait.

Un chant d’oiseau dans le parc de Montboissier, ou une brise chargée de l’odeur de réséda, sont évidemment des événements de moindre conséquence que les plus grandes dates de la Révolution et de l’Empire. Ils ont cependant inspiré à Chateaubriand, dans les Mémoires d’Outre-tombe, des pages d’une valeur infiniment plus grande.

il est peu de réussites faciles, et d’échecs définitifs.

Comme un bout de jardin dans Paris ravit plus qu’un parc en province,

la prétention avoisine la bêtise et que la simplicité a un goût un peu caché mais agréable.

«La guerre, disait-il, n’échappe pas aux lois de notre vieil Hegel. Elle est en état de perpétuel devenir.»

le patriotisme fait ce miracle, on est pour son pays comme on est pour soi-même dans une querelle amoureuse.

«Ce qui est étonnant, dit-il, c’est que ce public qui ne juge ainsi des hommes et des choses de la guerre que par les journaux est persuadé qu’il juge par lui-même.»

Après tout, qu’est-ce que ça fait que ce soit la vérité ou non puisqu’il arrive à me le faire croire.

Or, il est faux de croire que l’échelle des craintes correspond à celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir, et nullement d’un duel sérieux, d’un rat et pas d’un lion.

car les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus.

Cela expliquait que mes inquiétudes au sujet de ma mort eussent cessé au moment où j’avais reconnu, inconsciemment, le goût de la petite madeleine, puisqu’à ce moment-là l’être que j’avais été était un être extra-temporel, par conséquent insoucieux des vicissitudes de l’avenir. Cet être-là n’était jamais venu à moi, ne s’était jamais manifesté qu’en dehors de l’action, de la jouissance immédiate, chaque fois que le miracle d’une analogie m’avait fait échapper au présent.

Car les vérités que l’intelligence saisit directement à claire-voie dans le monde de la pleine lumière ont quelque chose de moins profond, de moins nécessaire que celles que la vie nous a malgré nous communiquées en une impression, matérielle parce qu’elle est entrée par nos sens, mais dont nous pouvons dégager l’esprit.

l’instinct dicte le devoir et l’intelligence fournit les prétextes pour l’éluder.

L’impression est pour l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant le travail de l’intelligence précède et chez l’écrivain vient après: Ce que nous n’avons pas eu à déchiffrer, à éclaircir par notre effort personnel, ce qui était clair avant nous, n’est pas à nous.

j’étais déjà arrivé à cette conclusion que nous ne sommes nullement libres devant l’oeuvre d’art, que nous ne la faisons pas à notre gré, mais que, préexistant à nous, nous devons, à la fois parce qu’elle est nécessaire et cachée, et comme nous ferions pour une loi de la nature, la découvrir.

Une oeuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix.

Certains esprits qui aiment le mystère veulent croire, que les objets conservent quelque chose des yeux qui les regardèrent, que les monuments et les tableaux ne nous apparaissent que sous le voile sensible que leur ont tissé l’amour et la contemplation de tant d’adorateurs pendant des siècles.

Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats.

le seul livre vrai, un grand écrivain n’a pas, dans le sens courant, à l’inventer puisqu’il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d’un écrivain sont ceux d’un traducteur.

Les idées sont des succédanés des chagrins;

Quant au bonheur, il n’a presque qu’une seule utilité, rendre le malheur possible.

Les années heureuses sont les années perdues, on attend une souffrance pour travailler.

En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n’eût peut-être pas vu en soi-même.

La beauté des images est logée à l’arrière des choses, celle des idées à l’avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu’on ne comprend la seconde que quand on les a dépassées. Or, à toutes ces idées, la cruelle découverte que je venais de faire relativement au Temps qui s’était écoulé ne pourrait que s’ajouter et me servir en ce qui concernait la matière même de mon livre. Puisque j’avais décidé qu’elle ne pouvait être uniquement constituée par les impressions véritablement pleines, celles qui sont en dehors du Temps, parmi les vérités avec lesquelles je comptais les sertir, celles qui se rapportent au Temps, au Temps dans lequel baignent et s’altèrent les hommes, les sociétés, les nations, tiendraient une place importante.

On part de l’idée que les gens sont restés les mêmes et on les trouve vieux. Mais une fois que l’idée dont on part est qu’ils sont vieux, on les retrouve, on ne les trouve pas si mal.

La discrétion, discrétion dans les actions, dans les paroles, lui était venue avec la situation sociale et l’âge, avec une sorte d’âge social, si l’on peut dire.

Je me rendais compte que le temps qui passe n’amène pas forcément le progrès dans les arts. Et de même que tel auteur du XVIIe siècle, qui n’a connu ni la Révolution française, ni les découvertes scientifiques, ni la guerre, peut être supérieur à tel écrivain d’aujourd’hui, et que peut-être même Fagon était un aussi grand médecin que du Boulbon (la supériorité du génie compensant ici l’infériorité du savoir),

Certes, ce que j’avais éprouvé dans la bibliothèque et que je cherchais à protéger, c’était plaisir encore, mais non plus égoïste, ou du moins d’un égoïsme (car tous les altruismes féconds de la nature se développent selon un mode égoïste, l’altruisme humain qui n’est pas égoïste est stérile, c’est celui de l’écrivain qui s’interrompt de travailler pour recevoir un ami malheureux, pour accepter une fonction publique, pour écrire des articles de propagande) utilisable pour autrui.

La possibilité d'un PPT

La possibilité d'un PPT

Par Emmanuel Quéré