C’est quoi l’idée ?
Celui qui lit, aura vécu 5000 ans ; la lecture est une immortalité en sens inverse ; la littérature et la vie c’est pareil. Le métier de planneur stratégique en agence de publicité consiste à connaître les gens ; à vivre d’autres vies que la sienne.
Je suis payé pour vendre des idées, souvent celles des autres, la forme étant le fond qui remonte à la surface elles doivent être bien troussées et présentées non pas comme une découverte mais comme la redécouverte de celles d’illustres individus avant nous.
Rien n’est de moi dans les lignes précédentes, lire sert à ça, à copier et à coller.
Avant, il faut collecter et c’est ce que je fais, chaque lundi à 13h45 dans cette newsletter ; pour mieux les retrouver au besoin.
Père ManQ, raconte-nous une histoire.
Une grande professionnelle voisine de moi dans mon grand bureau putéolien (un truc très grand, très ouvert, très loft, sympa) s’est exclamée à la réception de la précédente newsletter “Proust encore !” avec l’air de dégoût celle à qui on aurait encore servi des raviolis.
Manifestement, vous commencez à fatiguer. On est passé de 70% à 35% de taux d’ouverture sur la dernière.
La Recherche c’est 7 livres, donc on va les faire back-to-back.
Deal with it.
Tant pis si je perds des annonceurs juteux.
Spoiler. “Disparue” est ici une litote pour morte ; accident de cheval.
Le narrateur qui s’est fait larguer dans l’épisode précédent doit composer avec un deuil, qui de manière instantanée, change de nature.
De l’année de la pensée magique, l’autre grand livre sur le deuil de Joan Didion, on dit “ce n’est pas qu’un livre sur la mort. Il raconte tous les liens que nous tissons au fil de nos vies.” -
C’est une des méthodes possibles pour résoudre le problème. La méthode Proust est elle plus radicale, plus lucide.
Les liens entre un être et nous n’existent que dans notre pensée. La mémoire en s’affaiblissant les relâche, et malgré l’illusion dont nous voudrions être dupes, et dont par amour, par amitié, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, en disant le contraire, ment.
Quand j’avais compris, par la différence qu’il y avait entre ce que l’importance de sa personne et de ses actions était pour moi et pour les autres, que mon amour était moins un amour pour elle qu’un amour en moi,
C’est assez “sec” mais si l’amour est parfois dirigé vers les autres en pensée il est avant tout en nous et peut à tout moment changer de direction.
C’est le malheur des êtres de n’être pour nous que des planches de collections fort usables dans notre pensée.
Comme tout, le chagrin s’émousse.
Car il y a dans ce monde où tout s’use, où tout périt, une chose qui tombe en ruines; qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté: c’est le Chagrin.
On y retrouve, avant l’heure mais moins bien synthétisée, une des lois du développement personnel “Mood follow action”.
Le spécifique pour guérir un événement malheureux (les trois quarts des événements le sont) c’est une décision; car elle a pour effet, par un brusque renversement de nos pensées, d’interrompre le flux de celles qui viennent de l’événement passé et en prolongent la vibration, de le briser par un flux inverse de pensées inverses, venu du dehors, de l’avenir.
Reste cette phrase un peu mystérieuse que j’avais aussi noté et que je ne m’explique pas totalement.
«La qualité m’importe peu, mais je crains la quantité.»
Citations et idées remarquables.
Pour se représenter une situation inconnue l’imagination emprunte des éléments connus et à cause de cela ne se la représente pas. Mais la sensibilité, même la plus physique, reçoit, comme le sillon de la foudre, la signature originale et longtemps indélébile de l’événement nouveau.
Toute femme sent que, si son pouvoir sur un homme est grand, le seul moyen de s’en aller, c’est de fuir. Fugitive parce que reine, c’est ainsi.
chacun a sa manière propre d’être trahi, comme il a sa manière de s’enrhumer.
Mais les sources des grands événements sont comme celles des fleuves, nous avons beau parcourir la surface de la terre, nous ne les retrouvons pas.
«Albertine est partie». A chacun j’avais à apprendre mon chagrin, le chagrin qui n’est nullement une conclusion pessimiste librement tirée d’un ensemble de circonstances funestes, mais la reviviscence intermittente et involontaire d’une impression spécifique, venue du dehors, et que nous n’avons pas choisie.
(C’est étonnant comme la jalousie, qui passe son temps à faire des petites suppositions dans le faux, a peu d’imagination quand il s’agit de découvrir le vrai.)
Le plagiat humain auquel il est le plus difficile d’échapper, pour les individus (et même pour les peuples qui persévèrent dans leurs fautes et vont les aggravant), c’est le plagiat de soi-même.
le spécifique pour guérir un événement malheureux (les trois quarts des événements le sont) c’est une décision; car elle a pour effet, par un brusque renversement de nos pensées, d’interrompre le flux de celles qui viennent de l’événement passé et en prolongent la vibration, de le briser par un flux inverse de pensées inverses, venu du dehors, de l’avenir.
Les liens entre un être et nous n’existent que dans notre pensée. La mémoire en s’affaiblissant les relâche, et malgré l’illusion dont nous voudrions être dupes, et dont par amour, par amitié, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, en disant le contraire, ment.
nous n’arrivons pas à changer les choses selon notre désir, mais peu à peu notre désir change. La situation que nous espérions changer parce qu’elle nous était insupportable nous devient indifférente.
La manière désastreuse dont est construit l’univers psycho-pathologique veut que l’acte maladroit, l’acte qu’il faudrait avant tout éviter, soit justement l’acte calmant, l’acte qui, ouvrant pour nous, jusqu’à ce que nous en sachions le résultat, de nouvelles perspectives d’espérance, nous débarrasse momentanément de la douleur intolérable que le refus a fait naître en nous.
Le temps passe, et peu à peu tout ce qu’on disait par mensonge devient vrai
La force qui fait le plus de fois le tour de la terre en une seconde, ce n’est pas l’électricité, c’est la douleur.
Le monde n’est pas créé une fois pour toutes pour chacun de nous. Il s’y ajoute au cours de la vie des choses que nous ne soupçonnions pas.
Car bien souvent pour que nous découvrions que nous sommes amoureux, peut-être même pour que nous le devenions, il faut qu’arrive le jour de la séparation.
si cette vie avec Albertine n’était pas, dans son essence, nécessaire, elle m’était devenue indispensable.
Mais la lecture m’était insupportable de ces articles écrits par des gens qui n’éprouvent pas de réelle douleur.
A partir d’un certain âge nos souvenirs sont tellement entrecroisés les uns avec les autres que la chose à laquelle on pense, le livre qu’on lit n’a presque plus d’importance. On a mis de soi-même partout, tout est fécond, tout est dangereux, et on peut faire d’aussi précieuses découvertes que dans les Pensées de Pascal dans une réclame pour un savon.
l’oubli dont je commençais à sentir la force et qui est un si puissant instrument d’adaptation à la réalité parce qu’il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle.
Quand j’avais compris, par la différence qu’il y avait entre ce que l’importance de sa personne et de ses actions était pour moi et pour les autres, que mon amour était moins un amour pour elle qu’un amour en moi,
C’est le malheur des êtres de n’être pour nous que des planches de collections fort usables dans notre pensée.
Si bien des souvenirs, qui étaient reliés à elle, avaient d’abord contribué à maintenir en moi le regret de sa mort, en retour le regret lui-même avait fixé les souvenirs.
Ce n’est pas parce que les autres sont morts que notre affection pour eux s’affaiblit, c’est parce que nous mourons nous-mêmes.
Il y a l’un devant l’autre deux mondes, l’un constitué par les choses que les êtres les meilleurs, les plus sincères, disent, et derrière lui le monde composé par la succession de ce que ces mêmes êtres font.
dans le monde des Guermantes, où on n’attachait aucune importance à la fortune et où la pauvreté était considérée comme aussi désagréable, mais nullement plus diminuante et n’affectant pas plus la situation sociale, qu’une maladie d’estomac.
L’optimisme est la philosophie du passé. Les événements qui ont eu lieu étant, entre tous ceux qui étaient possibles, les seuls que nous connaissions, le mal qu’ils ont causé nous semble inévitable, et le peu de bien qu’ils n’ont pas pu ne pas amener avec eux, c’est à eux que nous en faisons honneur, et nous nous imaginons que sans eux il ne se fût pas produit.
nos habitudes nous suivent même là où elles ne nous servent plus à rien
car la valeur d’un titre de noblesse, aussi bien que de bourse, monte quand on le demande et baisse quand on l’offre.
La création du monde n’a pas eu lieu au début, elle a lieu tous les jours.
«La qualité m’importe peu, mais je crains la quantité.»
Les femmes qu’on n’aime plus et qu’on rencontre après des années, n’y a-t-il pas entre elles et vous la mort, tout aussi bien que si elles n’étaient plus de ce monde, puisque, le fait que notre amour n’existe plus fait de celles qu’elles étaient alors, ou de celui que nous étions, des morts?
Car il y a dans ce monde où tout s’use, où tout périt, une chose qui tombe en ruines; qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté: c’est le Chagrin.